Objet : Les crimes contre l’humanité commis par le Guatemala ne doivent jamais être répétés
En tant que citoyens canadiens et citoyennes canadiennes, nous vous écrivons pour exprimer notre inquiétude quant à la sécurité des défenseurs et défenseures des droits de la personne au Guatemala et des survivants et survivantes du terrorisme d’État vivant au Canada.
Le Guatemala est la proie du Pacte des corrompus – une alliance composée de militaires, de l’élite économique et de politiciens – qui déploie son emprise sur les affaires du pays pour démanteler les institutions de paix et développer des politiques pour garantir l’impunité des crimes de guerre, menacer les juges et le personnel judiciaire et intimider les victimes hors de leur domicile. Dans ce contexte hostile où l’état de droit est fragile et les risques élevés, les défenseurs et défenseures de droits humains et les personnes survivantes continuent de revendiquer leur droit à la vérité et à la justice au Guatemala et à l’étranger. Nous remercions les membres des familles des victimes et les victimes survivantes de la violence d’État pour leur contribution à la construction de la paix au Guatemala.
D’importants procès se déroulent au Guatemala pour rendre justice pour des crimes contre l’humanité, tels que les affaires du Journal militaire et Dos Erres. Dans le premier cas, 12 responsables militaires, dont l’ancien colonel Jacobo Esdras Salán Sánchez[i], sous-chef du groupe d’élite et d’opérations spéciales Kaibil entre septembre 1983 et mars 1985, ainsi que l’ancien général et vice-président d’AVEMILGUA, Marco Antonio Gonzalez Taracena[ii], sont accusés de disparition forcée, de torture, de meurtre et de viol. Dans l’affaire du massacre de Dos Erres, plusieurs officiers des Kaibil sont jugés pour le meurtre d’au moins 201 personnes, dont 67 enfants de moins de 12 ans.
La deuxième semaine de juin 2021, nous avons appris avec consternation que l’ancien Kaibil Jorge Vinicio Sosa Orantes, accusé d’avoir participé au massacre de Dos Erres, vit actuellement au Canada, probablement en Alberta ou en Colombie-Britannique. Cela provoque une grande détresse et une nouvelle victimisation pour les membres de la communauté canadienne guatémaltèque qui ont fui le pays en raison de la répression de l’État. Plusieurs membres des familles des victimes et des témoins clés dans les deux cas mentionnés ci-dessus vivent au Canada et risquent d’être attaqués par les forces spéciales Kaibil et leurs connaissances vivant également au Canada.
Nous exigeons au gouvernement canadien de :
- Mettre en place les Lignes directrices du Canada pour le soutien des défenseurs des droits de la personne pour les familles des victimes et les personnes survivantes, ainsi que leurs avocates et avocats, procureurs et témoins aux procès.
- Prendre toutes les mesures nécessaires pour que Jorge Vinicio Sosa Orantes et d’autres complices soient jugés pour les crimes contre l’humanité commis pendant le conflit armé. Pour le cas de Sosa Orantes spécifiquement, que le gouvernement canadien fasse usage de la Loi sur les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre et recommande au procureur général du Canada d’intenter des poursuites; ou encore, nous informer des mesures que le gouvernement canadien a prises jusqu’à présent pour extrader Jorge Vinicio Sosa Orantes vers le Guatemala, ainsi que des engagements du gouvernement canadien contre l’impunité pour les crimes de guerre.
- Faire une déclaration publique contre les projets de loi au Guatemala qui accorderaient l’amnistie pour les crimes contre l’humanité qui ont eu lieu pendant le conflit armé.
- Supprimer le soutien au gouvernement guatémaltèque jusqu’à ce que des garanties de non-répétition de crimes contre l’humanité soient reçues.
De plus, nous sollicitons une réunion avec vous pour fournir de plus amples informations sur la situation des droits humains au Guatemala et pour connaître les mesures prises par le gouvernement du Canada pour appuyer les défenseurs et défenseures de droits humains et agir contre l’impunité. En l’absence de la Commission internationale contre l’impunité au Guatemala (CICIG), l’action favorable aux droits humains et à l’état de droit du gouvernement canadien est d’autant plus nécessaire et cruciale.
[i] Salan Sánchez fut l’objet d’une enquête pour corruption par la CICIG, et a été condamné en 2014 pour le vol par conversion de 15,4 millions de dollars du ministère de la Défense et de 3,89 millions de dollars de l’institution nationale d’hypothèques pendant le gouvernement d’Alfonso Portillo. Il est accusé d’avoir été impliqué, avec d’autres officiers militaires, dans la structure de contrebande et de détournement de fonds douaniers, « La Cofradia ».
[ii] Taracena dirigait le réseau de renseignements clandestins du haut commandement présidentiel, en tant que chef de la section « de l’archive » il a été impliqué dans la disparition forcée de plusieurs personnes dans les années 1980.