L’arrestation, la détention arbitraire et la criminalisation de Julio Gomez Lucas, activiste et défenseur des droits humains
16 octobre 2023

Type de cas: Détention arbitraire; Criminalisation; Répression de manifestation; Violence à l’égard des communautés autochtones

Date: 26 janvier 2020
Lieu:
Ville de Chiantla, Département de Huehuetenango
Processus judiciaire: 
En cours
Accompagnement international: Oui

Population affectée: Défenseur·e·s des droits des peuples autochtones

Droits humains affectés: Droit à la liberté et à la sécurité de la personne; Droit à un procès juste et équitable; Garanties judiciaires; Droits territoriaux des peuples autochtones; Droit à la liberté d’expression; Droit d’association et de réunion; Droit à la non-discrimination dans l’exercice des droits humains

Résumé du cas

Le 26 janvier 2020, Julio Gomez Lucas a été arrêté et mis en détention sans qu’un mandat d’arrêt ne lui soit communiqué. Des policiers l’ont attendu à l’entrée de la municipalité de Chiantla. À son arrivée, ils ont suivi son véhicule avant de le forcer à s’immobiliser, prétextant qu’ils avaient entendu des coups de feu et qu’ils devaient fouiller son véhicule (Frontline Defenders).

Le défenseur des droits humains a été ensuite emmené par les policiers et placé en détention. Les motifs de son arrestation seraient liés à sa participation à une manifestation organisée par la Résistance pacifique d’Ixquisis le 13 novembre 2017 dans la municipalité de San Mateo Ixtatán pour protester contre l’implantation de deux centrales hydroélectriques dans la région. Lors de cette manifestation, des agents de police auraient été attaqués et une voiture de patrouille aurait été endommagée. Bien que les individus étaient cagoulés, les autorités prétendent que Gómez Lucas a participé à ces actes. Elles prétendent avoir été en mesure de l’identifier en raison de sa taille et de sa voix. Les membres de la Résistance pacifique de la microrégion d’Ixquisis allèguent que c’est plutôt la police qui aurait fait usage de gaz lacrymogènes alors que le groupe manifestait pacifiquement pour demander le retrait des forces de l’ordre de leur territoire. Les agents de sécurité de l’entreprise hydroélectrique ont par la suite tiré sur la foule (Prensa Comunitaria).

Au cours des dernières années, Julio Gomez Lucas et sa famille ont été victimes d’attaques et de violations de leurs droits à plusieurs reprises en raison de leur résistance pacifique aux projets d’exploitation sur les terres Maya Chuj. En février 2019, en raison de leur opposition à l’établissement d’un projet hydroélectrique, Gómez et six membres de sa famille ont été kidnappés et torturés par des membres de la communauté voisine de Tz’ununkab. Les membres de la Résistance pacifique de la Microrregión d’Ixquisis, qui manifestent pacifiquement pour préserver les terres qu’ils occupent, font l’objet d’attaques de plus en plus virulentes à leur égard. Au fil des années, les membres du groupe ont été victimes de meurtres, de menaces, de campagnes de diffamation et d’attaques armées des forces de police nationale (Front line defenders).

Détails judiciaires

Placé en détention dans l’après-midi du 26 janvier, Julio Gomez Lucas est transféré le soir même au bureau local de la Division Especializada en Investigación Criminal (DEIC). On l’informe alors qu’un mandat d’arrestation avait été émis contre lui le 19 juin 2018. Il demeure détenu jusqu’au 3 février 2020 : il est alors assigné à domicile par le juge Alberto Calmo du Juzgado Pluripersonal de Primera Instancia Penal, Narcoactividad y Delitos contra el Ambiente de Santa Eulalia, dans le département de Huehuetenango. Plusieurs chefs d’accusation sont déposés contre le défenseur de l’environnement, dont ceux de manifestation illégale, de rassemblements illégaux de personnes armées, d’association illégale et d’incitation à commettre des crimes (Frontline Defenders).

La preuve contre Julio Gomez Lucas présentée lors de l’audience intérimaire recèle de nombreuses incohérences. L’examen balistique des douilles retrouvées sur les lieux ne permet pas de déterminer leur provenance. Dans la région d’Ixquisis, seules les forces de l’ordre et les agents de sécurité privée détiennent des armes à feu. Aucune preuve n’a été présentée pour soutenir que la Résistance pacifique de la microrégion d’Ixquisis était armée. Pour la défense, il est incohérent que l’activiste n’ait pas été arrêté au moment des faits, le 13 novembre 2017, alors que les autorités étaient présentes et prétendent l’avoir reconnu. En outre, un témoin allègue avoir rencontré Gomez Lucas en 2006 alors que ce dernier était hors du pays et n’est revenu dans la région que l’année suivante (Prensa Comunitaria). D’autres témoins prétendent avoir reconnu Gomez Lucas depuis une colline qui se trouve pourtant à plus de 500 mètres du lieu des événements. Les preuves photographiques déposées au soutien des actes d’accusation ne permettent pas d’identifier le militant. En raison de ces nombreuses irrégularités, la défense demande le rejet de l’affaire, mais le juge qui dormait parfois pendant les plaidoiries de la défense a estimé qu’il y avait suffisamment de preuves pour aller en procès (GHRC). Le procès débute le 7 mai 2021. Le 28 janvier 2022, le procès contre Julio Gómez Lucas débute (Prensa Comunitaria – Facebook).

Accompagnement international

À travers ACOGUATE, le PAQG accompagne la Resistencia Pacífica de la Microrregión de Ixquisis. ACOGUATE était notamment présent lors de l’audience intérimaire du 23 avril 2021 (GHRC).
Le PAQG compte parmi les organismes fondateurs d’ACOGUATE.

Autres particularités

Les nombreuses communautés autochtones qui mènent des luttes pour la défense de l’environnement et de leur territoire contre l’extractivisme s’exposent à une grande violence. Les mines Marlin et El Escobal en sont des exemples.

Actualités et sources

– Frontline Defenders. Indigenous Human Rights Defender Julio Gomez Lucas Detained. En ligne. <https://www.frontlinedefenders.org/en/case/indigenous-human-rights-defender-julio-gomez-lucas-detained>. Consulté le 13 juin 2023.

– Guatemala Human Rights Commission (GHRC). GHRC Accompanies Environmental Human Rights Defender, Julio Gómez. En ligne. <https://ghrcusa.wordpress.com/2021/04/26/ghrc-accompanies-environmental-human-rights-defender-julio-gomez/>. Consulté le 13 juin 2023.

– Simón, Francisco. Huehuetenango: Juez envía a juicio a defensor chuj, Julio Gómez Lucas. En ligne. <https://prensacomunitaria.org/2021/04/huehuetenango-juez-envia-a-juicio-a-defensor-chuj-julio-gomez-lucas/>. Consulté le 13 juin 2023.

– Simón, Francisco. Huehuetenango: suspenden audiencia de Julio Gómez Lucas autoridad Chuj. En ligne. <https://prensacomunitaria.org/2021/05/huehuetenango-suspenden-audiencia-de-julio-gomez-lucas-autoridad-chuj/>. Consulté le 13 juin 2023.

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