L’assassinat de Sebastian Alonso, défenseur autochtone du droit de la terre
17 octobre 2023

Type de cas: Violence à l’égard de défenseur·e·s des droits humains; Violence à l’égard des communautés autochtones; Répression de manifestation
Date: 
17 janvier 2017
Lieu: 
Yulchen / El Pojom, Département de Huehuetenango
Processus judiciaire:
S/O
Accompagnement international: Terminé

Population affectée: Communautés autochtones; Défenseur·e·s de droits humains

Droits humains affectés: Droit à la vie; Droits environnementaux; Droit des communautés autochtones

Résumé du cas

Le 17 janvier 2017, plus de deux milles personnes en provenance communautés autochtones Chuj et Q’anjob’al sont rassemblées à Ixquisis pour défendre leur droit à la terre. Sebastian Alonso, militant écologiste, prend part à cette manifestation pacifique contre un projet de centrale hydroélectrique de l’entreprise Promoción de Desarrollo Hídrico (PDHSA) qui met en péril l’accès à l’eau des communautés autochtones avoisinantes. La manifestation vise également à dénoncer le manque de consultations préalables auprès de la population par les pouvoirs publics (Prensa Comunitaria).

Le groupe se déplace du terrain de soccer vers les installations de la centrale hydroélectrique Pojom I situées tout près de la frontière mexicaine, en passant près de la rivière d’Ixquisis où des travaux de contournement du cours d’eau étaient déjà amorcés (Prensa Comunitaria).

Aux abords des installations de l’entreprise, les participant·es à la manifestation remarquent la présence de personnes dissimulées dans des buissons. Certaines étaient cagoulées, d’autres non (Prensa Comunitaria).

Des personnes n’appartenant pas au groupe pénètrent la centrale et mettent feu à certains équipements de l’entreprise. Bientôt, des bruits sourds de coup de feu sont entendus par la foule. La panique gagne les manifestant·es dont certains tentent de fuir vers le village de Yalanwitz. Le personnel de sécurité engagé par l’entreprise ouvre le feu. Alors qu’il tente de fuir, Sebastian Alonso est atteint d’une balle dans le dos. Il décède pendant son transport vers le centre de santé de Barillas, quatre heures après avoir été atteint par balle. Les travailleurs de la PDHSA ont bloqué l’accès au site, rendant difficile l’accès aux soins. Son corps présentait alors plusieurs blessures et des témoins racontent avoir vu les gardes de sécurité du projet hydroélectriques s’approcher de Sebastian pour le frapper alors qu’il agonisait au sol (Prensa Comunitaria).

Quelques jours avant la manifestation, la présence de personnes possiblement liées au Ejército Zapatista de Liberación Nacional, l’armée zapatiste de libération nationale, avait été relevée aux abords des installations de l’entreprise. Une présence policière plus importante avait donc été planifiée en vue de la manifestation du 17 janvier. Alors que les gardes de sécurité de l’entreprise ouvrent le feu sur les manifestants, la PNC (Policia Nacional Civil) n’intervient pas pour stopper l’assaut (Prensa Comunitaria).

Sur recommandation de procureurs du Ministère Public, du Bureau du Haut-Commissaire (OHCHR) et de la Procuraduría de Derechos Humanos (PDH), le corps de Sebastian Alonso est transporté à l’Institut national des sciences médico-légales (INACIF) de Huehuetenango. Il a été établi que le tir ayant atteint mortellement Sebastian provenait du personnel de sécurité privée recruté par l’entreprise (Prensa Comunitaria). Des témoignages de manifestants soutiennent que la police aurait agi de concert avec la sécurité privée de l’entreprise (Guatemala Solidarity).

Après avoir reçu des menaces de mort et de séquestration, la famille de la victime a renoncé à ouvrir une enquête auprès du ministère public de même qu’une poursuite pénale à l’encontre des responsables de l’assassinat de Sebastian (Prensa Comunitaria).

Accompagnement

Par le biais d’ACOGUATE, le PAQG assure depuis 2016 un accompagnement auprès de la Resistencia Pacífica de la Microrregión de Ixquisis qui regroupe plusieurs communautés de la région qui luttent contre l’implantation des projets hydroélectriques de Pojom I, Pojom II et San Andrés sur leur territoire (ACOGUATE, p.3, 2017).

Le 21 janvier 2017, ACOGUATE accompagne UDEFEGUA de même des représentant·e·s de différentes organisations locales, nationales et internationales. Leur présence dans la région avait pour but de mener des vérifications, notamment pour mieux comprendre le rôle de la Policía Nacional Civil au moment de l’assassinat de Sebastian. Au cours de leur enquête, des actes d’intimidation et des menaces de mort visent le groupe. En arrivant dans le village de Yalanguitz, les véhicules sont stoppés par des individus menaçant. Forcés à faire demi-tour, les véhicules dans lesquels les représentant·e·s des organisations prenaient place sont pris en photos à de multiples reprises par des individus sur le chemin du retour. Les noms des individus qui ont barré le chemin à la caravane ont été transmis au Ministère public pour investigation (FIDH).

Cet événement s’inscrit dans un conflit social ayant débuté en 2009 alors que les communautés de la région d’Ixquisis ont refusé d’accorder toute licence de reconnaissance, d’exploration ou d’exploitation minière sur leurs terres (Prensa Comunitaria).

Depuis, elles sont victimes de nombreuses stratégies d’intimidation, de diffamation et de répression violente pour être à l’encontre de l’exploitation des ressources naturelles dans leur environnement (Rights In Development). En 2020, dans une nouvelle tentative de criminalisation à l’égard des défenseur·e·s de la région, Julio Gómez Lucas, membre de la Résistance pacifique, est accusé à tort de crimes qu’il n’a pas commis.

Actualités/Sources:

– Comisión Interamericana de Derechos Humanos. CIDH condena asesinatos a defensoras y defensores de derechos humanos en la región. En ligne. <https://www.oas.org/es/cidh/prensa/comunicados/2017/011.asp>. Consulté le 11 juin 2023.

– Comisión Interamericana de Derechos Humanos. Norte de Centroamérica : Personas defensoras del medio ambiente – 2022. En ligne. <https://www.oas.org/es/cidh/informes/pdfs/2023/NorteCentroamerica_MedioAmbiente_ES.pdf>. Consulté le 11 juin 2023.

– Comisión Interamericana de Derechos Humanos. Situación de los derechos humanos en Guatemala – 2017. En ligne. <http://www.oas.org/es/cidh/informes/pdfs/guatemala2017-es.pdf>. Consulté le 11 juin 2023.

– Cotza, Lorena. Voces de la comunidad: la resistencia pacífica de Ixquisis. En ligne. <https://rightsindevelopment.org/voces-de-la-comunidad-la-resistencia-pacifica-de-ixquisis/?lang=es>. Consulté le 4 juillet 2023.

– Federación Internacional por los Derechos Humanos. Guatemala: Asesinato de Sebastián Alonzo Juan y actos de intimidación y amenazas de muerte contra una caravana que buscaba verificar los hechos. En ligne. <https://www.fidh.org/es/temas/defensores-de-derechos-humanos/guatemala-asesinato-de-sebastian-alonzo-juan-y-actos-de-intimidacion>. Consulté le 11 juin 2023.

– Francisco, Francisco Simón et González, Carlos Gerardo. Crónica del asesinato de Sebastián Alonso Juan. En ligne. <https://prensacomunitar.medium.com/cr%C3%B3nica-del-asesinato-de-sebasti%C3%A1n-alonso-juan-1eeb908d6d36>. Consulté le 11 juin 2023.

– S.A. Human Rights violations in Ixquisis end in the murder of Sebastian Alonso Juan. En ligne. <https://guatemalasolidarity.org.uk/2017/05/16/79102/>. Consulté le 11 juin 2023.

Articles recents